Moscou traque la «cinquième colonne»

Le Parlement russe a durci les sanctions contre les organisateurs de manifestations non autorisées et spontanées.

Parallèlement à son combat diplomatique mené contre l'Occident et le nouveau gouvernement ukrainien, le pouvoir russe se lance dans une chasse aux opposants de l'intérieur, comme si ces initiatives représentaient les deux faces d'une même médaille.

Bénéficiant de l'appui du Kremlin, trois députés de la Douma ont proposé de durcir les sanctions applicables aux organisateurs de manifestations «non autorisées» et spontanées, quelles que soient leur taille et leur nature.

 

Dans la foulée des manifestations anti-Kremlin de 2012, le Parlement russe avait déjà adopté une loi imposant des amendes substantielles aux leaders non déclarés de ces mouvements. Mais depuis la révolution ukrainienne, dont le pouvoir redoute la contagion à Moscou, le ton se durcit. Il est «nécessaire d'analyser ces événements, dans le but de protéger nos concitoyens contre les actions de divers extrémistes et d'éléments terroristes», a déclaré Vladimir Poutine.

« Ce nouveau texte ne vise pas ceux qui créent des désordres, il s'agit d'une loi répressive dirigée contre tous les activistes, les politiques et les écologistes, et qui ne sauvera pas notre pouvoir d'un Maïdan russe » L'ancien député Dmitri Goudkov.

Trois jours plus tard, le texte de loi ad hoc est prêt. Il prévoit notamment d'infliger une «sanction pénale» à l'encontre des «récidivistes» séditieux, allant jusqu'à cinq ans de prison. Le projet fait implicitement référence aux premiers affrontements du mois de janvier dans le quartier gouvernemental à Kiev, lors desquels les manifestants ukrainiens lancèrent des cocktails Molotov contre les forces de l'ordre et érigèrent des barricades de pneus enflammés. Conséquence pour la Russie, l'utilisation «d'objets susceptibles de créer de la fumée», en particulier «aux abords de la résidence du président», sera prohibée, prévoit le texte. Tout en encourageant cette initiative, Vladimir Poutine a appelé les parlementaires à «défendre les droits de la société civile» laissant entendre que des amendements «libéraux» seraient adoptés. Pour sa part, son conseiller aux droits de l'homme, Mikhaïl Fedotov, a mis en garde contre la tentation de «tout criminaliser».

Dans le discours public, le qualificatif «Maïdan» - synonyme de «coup d'État» mené par des «néonazis» - est accolé à la fameuse manifestation anti-Poutine du 6 mai 2012, qui donna le signal à une première vague de lois répressives. Sept de ses participants purgent actuellement des peines allant jusqu'à quatre ans de prison.

«Ce nouveau texte ne vise pas ceux qui créent des désordres, il s'agit d'une loi répressive dirigée contre tous les activistes, les politiques et les écologistes, et qui ne sauvera pas notre pouvoir d'un Maïdan russe», dénonce l'ancien député Dmitri Goudkov, qui fut déchu de son mandat pour avoir participé à des manifestations hostiles au régime. Dans la même veine, la Douma entend obliger les citoyens russes bénéficiant d'une double nationalité à s'enregistrer auprès des services de migration. L'objectif est de traquer les membres d'une potentielle «cinquième colonne», ces fameux partisans d'un État hostile, camouflés et prêts, dans l'esprit du Kremlin, à déstabiliser le pouvoir russe.

Original source: lefigaro.fr